Nouvelle publication scientifique

Comment évolue l’intelligence non verbale chez les enfants vivant avec un trouble développemental du langage ?

Florence Renaud, Karine Jauvin et Marie-Julie Béliveau
14 avril 2025

Pour des raisons méthodologiques, les enfants ayant une intelligence non verbale (INV) significativement inférieure à la moyenne ont longtemps été exclus des échantillons des études portant sur les troubles de langage. L’idée était de circonscrire les troubles « spécifiques » au langage, de les distinguer de ceux qui ne seraient que l’expression d’une trop basse « intelligence générale ». Or il s’avère qu’un même enfant pouvait répondre à ce critère d’inclusion au début d’une étude mais ne plus y répondre à un instant ultérieur. La raison en est que l’INV peut fluctuer de façon importante chez ces sujets. L’étude de Florence Renaud, Karine Jauvin et Marie-Julie Béliveau vise précisément à caractériser ces fluctuations, entre autres en incluant dans son analyse des enfants ayant aussi des niveaux de INV. significativement inférieurs à la moyenne.

Pour ce faire, les chercheuses ont sélectionné 71 enfants vivant avec un trouble développemental du langage et ayant passé au moins deux tests de mesure de l’intelligence (en l’occurrence des tests de l’échelle « Wechsler »), séparés d’au moins 12 mois. Les enfants étaient âgés en moyenne de 4 ans et 11 mois lors du premier test, et de 8 ans et 2 mois lors du second. Ces tests mesuraient tant des indicateurs de l’INV que des indicateurs d’intelligence verbale – ce qui permettait de comparer les évolutions de ces deux formes d’intelligence. Les sujets ont ensuite été catégorisés en trois groupes selon que leur INV avait augmenté, diminué ou était restée stable.

Les chercheuses ont ensuite procédé à une analyse visant à isoler des caractéristiques significativement corrélées à la variation de l’INV (notamment par des méthodes statistiques permettant de minimiser l’influence de différents biais), et ont pu extraire 4 paramètres significatifs :

  1. le multilinguisme de l’environnement de l’enfant (les sujets qui présentent une INV croissante sont plus susceptibles d’être exposés à plusieurs langue à la maison);
  2. l’âge de l’enfant au moment de la première mesure (les sujets qui présentent une INV croissante sont en moyenne plus jeunes);
  3. la première mesure d’INV de l’enfant (les sujets qui présentent une INV croissante ont obtenu des résultats significativement plus bas lors de la première mesure) ; et
  4. la première mesure d’intelligence verbale de l’enfant (les sujets qui présentent une INV croissante ont, là aussi, obtenu des résultats significativement plus bas lors de la première mesure).

En outre, cette étude est la première à révéler des variations de QI pouvant aller jusqu’à 30 points chez un même individu entre les deux mesures. D’autres analyses et recherches en la matière restent à faire pour bien comprendre ces données, mais notons déjà que l’ampleur de ces variations est importante pour comprendre comment des ressources et des dispositions censées soutenir un enfant peuvent rapidement s’avérer inadéquates, puisque fondées sur des mesures pouvant vite devenir caduques.

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Bibliographie : Renaud, F., Jauvin, K., & Béliveau, M. J. (2025). Longitudinal perspective on nonverbal intelligence development in young children with developmental language disorder. Research in developmental disabilities160, 104963. https://doi.org/10.1016/j.ridd.2025.104963