Nouvelle publication scientifique

L’activité de nos reins a-t-elle un impact sur nos fonctions cognitives ?

Nos chercheurs Shady Rahayel, Rémi Goupil et François Madore
30 janvier 2025

La question peut paraître curieuse : la cognition est, semble-t-il, l’affaire du cerveau, alors que les reins s’occupent plutôt de filtrer le sang. Pourtant, les recherches autour de l’« axe rein-cerveau », qui étudient les mécanismes reliant ces organes, sont aujourd’hui très prometteuses et révèlent des rapports insoupçonnés entre leurs activités respectives.

« [L’insuffisance rénale chronique] est de plus en plus reconnue comme un facteur de risque de déclin cognitif et de neurodégénérescence », via, notamment, une atrophie de certaines régions cérébrales. Mais les mécanismes exacts qui sont en jeu dans cette corrélation sont encore méconnus. Shady Rahayel et ses collaborateurs proposent, avec leur étude, de cartographier plusieurs de ces mécanismes en mesurant, chez divers sujets,

  1. le taux de filtration du sang par leurs reins (eGFR – « estimated Glomerular Filtration Rate »),
  2. l’épaisseur corticale de différentes régions du cerveau et
  3. un ensemble de performances cognitives.

En traitant ces données de façon à en isoler les différentes variables, ils cherchent à étudier rigoureusement comment ces différentes mesures s’influencent mutuellement.

Ces mesures ont été prises chez des participants de la cohorte CARTaGENE, une base de données cliniques et biologiques qui suit l’évolution, dans le temps, de ces données chez plusieurs milliers de Québécois. L’échantillon sélectionné pour l’étude était constitué de sujets en santé ayant des taux de filtration rénale variés – allant de normal à modérément diminué, en passant par légèrement diminué – et suivis sur six années avec des tests cognitifs et de l’imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM).

Après analyse des données, l’équipe du professeur Rahayel a mis en lumière des associations entre le taux de filtration rénale, l’épaisseur corticale de certaines régions du cerveau et différentes fonctions cognitives. Ainsi, une diminution du taux de filtration rénale est associée non seulement à une diminution de plusieurs performances cognitives et à une atrophie de certaines régions spécifiques du cerveau, mais aussi à un impact plus grand de l’atrophie de ces régions du cerveau sur différentes performances cognitives. La fonction rénale apparaît ainsi impliquée dans la médiation de la relation entre la morphologie du cerveau et la cognition.

Entre autres choses, cette étude révèle l’importance d’une prise en charge rapide des sujets dont la fonction rénale est en train de diminuer : les mécanismes qui lient la diminution du taux de filtration rénale à celle des performances cognitives sont déjà en jeu avant que ne surviennent l’insuffisance rénale à proprement parler, et une intervention précoce pourrait en ce sens être souhaitable.

Lire la publication scientifique.

Bibliographie : Rahayel S, Goupil R, Genest DS, et al. Lower estimated glomerular filtration rate relates to cognitive impairment and brain alterations. Alzheimer’s Dement. 2024; 16:e70044. https://doi.org/10.1002/dad2.70044

Auteurs : Shady Rahayel, Rémi Goupil, Dominique Suzanne Genest, Florence Lamarche, Mohsen Agharazii, Violette Ayral,Christina Tremblay et François Madore.