Journée internationale des personnes handicapées

L’aphasie, un handicap invisible : Des études pour comprendre la trajectoire de récupération linguistique chez des patients ayant fait un AVC, dès les premières heures qui suivent.

Portrait de notre chercheuse, orthophoniste et professeure agrégée à l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'UdeM, Karine Marcotte, Ph.D.
3 Décembre 2023

En cette Journée internationale des personnes handicapées, célébrée le 3 décembre 2023, le Centre de recherche du CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal présente le portrait de la chercheuse Karine Marcotte, Ph.D.

Orthophoniste et professeure agrégée à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal, elle mène deux projets de recherche visant à comprendre le processus de récupération et à améliorer les traitements de l’aphasie. Il s’agit d’un handicap invisible souvent méconnu mais dont les défis sont significatifs pour les personnes qui en sont atteintes.

Découvrez son portrait !

Portrait de notre chercheuse, orthophoniste et professeure agrégée à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal, Karine Marcotte, Ph.D.

Karine Marcotte a accumulé près de cinq années d’expérience en tant qu’orthophoniste à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal avant de se lancer dans des études doctorales en sciences biomédicales, spécialisées en orthophonie, à l’Université de Montréal. Par la suite, elle a poursuivi des études postdoctorales en neuroimagerie au Toronto Rehabilitation Institute (University Health Network). Depuis septembre 2012, elle occupe le poste de professeure à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. En 2013, elle a intégré le centre de recherche du CIUSSS du Nord-de-l’Ile-de-Montréal en tant que chercheuse régulière. Ses recherches bénéficient du soutien financier des Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQ-S), du Réseau provincial de recherche en adaptation-réadaptation (REPAR), du Réseau de bio-imagerie du Québec (RBIQ), de la Fondation des maladies du cœur du Canada ainsi que le Conseil de recherche en sciences humaines et les Instituts de recherche en santé du Canada. Membre de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec depuis 2002, elle a consolidé une expertise remarquable dans le domaine.

En collaboration avec Dr Alex Desautels, neurologue, chef du service de neurologie et directeur médical du Centre d’études avancées en médecine du sommeil du CIUSSS du Nord-de-l’Ile-de-Montréal, Pre Simona Maria Brambati, chercheuse au CIUSSS NIM et au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, et les équipes cliniques de l’urgence, la radiologie et la neurologie, l’équipe de Mme Marcotte travaille sur des projets de recherche visant à mieux comprendre la trajectoire longitudinale de récupération de l’aphasie, et ce, dès les premières heures suivant l’AVC.

Chaque année, plus de 60,000 canadiens subissent un accident vasculaire cérébral (AVC). De cette donnée, 25 à 40% souffriront d’aphasie. L’aphasie est un trouble acquis de la communication qui affecte l’expression ou la compréhension verbale. Cette condition survient généralement suite à un AVC dans l’hémisphère gauche du cerveau.

La présence d’une aphasie est l’une des atteintes cognitives suivant un AVC entrainant des situations d’handicap importantes dans la vie quotidienne et ayant conséquemment les effets les plus dévastateurs sur la qualité de vie de la personne. Elle est associée à :

  1. des niveaux plus élevés de colère, de solitude et d’isolement social;
  2. une plus grande difficulté à reprendre les activités significatives de la vie quotidienne (p. ex., le retour au travail);
  3. une augmentation des coûts des soins de santé.

Le plus grand degré de récupération spontanée, c’est-à-dire sans suivi avec une orthophoniste, se produit dans les deux premières semaines suivant l’AVC. Or, la majorité des études en aphasie est faite auprès de personnes qui ont subi leur AVC il y a plus de 6 mois, au moment où la courbe de récupération est plus limitée.

Étudier les changements qui s’opèrent dans la matière blanche suite à l’AVC

En collaboration avec Dr Desautels et Pre Brambati, l’équipe de Karine Marcotte a actuellement deux grands projets en cours à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Le premier, initialement financé par la Fondation des maladies du cœur et maintenant par les Instituts de recherche en santé du Canada, vise à étudier les changements qui s’opèrent dans la matière blanche à la suite d’un AVC, et plus particulièrement dans les faisceaux de fibres qui permettent l’échange d’information entre les différentes régions du cerveau.

Ce projet permettra de mieux comprendre le rôle de chacun des faisceaux dans la récupération, tout particulièrement dans la phase plus précoce peu étudiée jusqu’à présent. Avec les données recueillies à ce jour, il a été démontré que la sévérité de l’aphasie mesurée 2 jours après l’AVC se révèle être l’un des meilleurs prédicteurs de la récupération de l’aphasie (Osa García et al., 2020). En comparaison, les mesures extraites de la matière blanche à ce stade n’apportent qu’une amélioration légère à la prédiction du niveau de récupération à long terme.

Les recherches ont également démontré que les changements dans la matière blanche surviennent à des rythmes différents dans la zone de la lésion causée par l’AVC, dans les zones adjacentes à la lésion et dans les régions non affectées par la lésion (Boucher et al., 2023). L’équipe de recherche poursuit son recrutement de participants afin d’étudier l’apport du sexe ainsi que de la matière grise, plus précisément les changements neuroanatomiques qui y sont associés, dans la récupération de l’aphasie.

La récupération des habiletés du discours dans l’aphasie post-AVC

Le deuxième grand projet, aussi financé par la Fondation des maladies du cœur, vise à étudier la récupération des habiletés du discours dans l’aphasie post-AVC. Bien qu’en apparence très facile pour la majorité d’entre nous, le discours est une des habiletés de communication les plus complexes. Cette habileté est cruciale, car le discours est à la base de nos communications quotidiennes. Il existe à ce jour un grand nombre de tests et de mesures pour évaluer le discours, mais il n’existe pas de mesures recommandées d’évaluation du discours pour les personnes avec aphasie. Conséquemment, très peu d’études se sont intéressées à la récupération des habiletés de discours dès les premières heures suivant l’AVC jusqu’à la phase chronique, bien que ce soit un besoin prioritaire identifié par les personnes atteintes d’aphasie.

Ce projet fait en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire de Québec vise à recruter 30 personnes avec aphasie en phase hyperaigüe (au tout début) et 30 personnes avec aphasie en phase chronique (sur le long terme). Les personnes avec aphasie recrutées en phase hyperaigüe au Centre hospitalier seront évaluées à cinq reprises en orthophonie, soit dans :

a) la phase hyperaigüe (≤ 24 heures post-AVC, Temps 1),

b) la phase aigüe (2-3 jours post-AVC, Temps 2),

c) la phase subaigüe précoce (7-10 jours post-AVC, Temps 3)

d) la phase subaigüe tardive (3 mois post-AVC, Temps et 5) et

e) la phase chronique (6 mois post-AVC, Temps 5). Les personnes avec aphasie recrutées en phase chronique seront évaluées à deux reprises afin d’établir les variations standards entre deux évaluations.

Ce projet permettra d’identifier les mesures étant les plus stables dans le temps, afin d’aider les orthophonistes à évaluer de façon optimale la présence de troubles discursifs chez les patients francophones avec aphasie suite à un AVC gauche.

Une meilleure identification des troubles de discours permettra d’offrir aux personnes avec aphasie (et leurs proches) un traitement précoce optimal visant à réduire les incapacités résiduelles des personnes avec aphasie, ainsi qu’un meilleur accompagnement et la possibilité d’une prédiction plus précise de l’évolution de la maladie.

Figure représentative des 2 projets de recherche

Références

Boucher, J., Marcotte, K., Bedetti, C., Houzé, B., Descoteaux, M., Brisebois, A., Garcia, A. O., Rochon, E., Leonard, C., Desautels, A., & Brambati, S. M. (2023). Longitudinal Evolution of Diffusion Metrics After Left Hemisphere Ischemic Stroke. Brain Communications.

Osa García, A., Brambati, S. M., Brisebois, A., Désilets-Barnabé, M., Houzé, B., Bedetti, C., Rochon, E., Leonard, C., Desautels, A., & Marcotte, K. (2020). Predicting Early Post-stroke Aphasia Outcome From Initial Aphasia Severity. Frontiers in Neurology, 11. https://doi.org/10.3389/fneur.2020.00120