Portraits

Nouvelles chercheuses d’établissement en recherche sociale CIUSSS NIM : Deux expertes interdisciplinaires des inégalités sociales de santé.

Jacqueline Schneider, Ph.D. et Lise Dassieu, Ph.D.
21 novembre 2023

Le centre de recherche du Nord-de-l’Île-de-Montréal est heureux d’accueillir ses deux nouvelles chercheuses d’établissement, Jacqueline Schneider, Ph.D. et Lise Dassieu, Ph.D. Elles joueront un rôle clé dans le développement des activités scientifiques liées au mandat ministériel du CIUSSS NIM et contribueront à la réalisation de la mission universitaire de l’établissement.

Leur leadership sera essentiel pour définir la recherche sociale au sein du CIUSSS NIM, en abordant les enjeux de la recherche en milieu de pratique, notamment dans les domaines d’expertise spécifiques du CIUSSS NIM.

Découvrez-les dans ces portraits !

Notre chercheuse Jacqueline Schneider, Ph.D.

  1. Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours professionnel et vos domaines d’expertise en recherche sociale ?

Mon parcours de recherche a débuté au Brésil, mon pays d’origine, pendant mes études de premier cycle en psychologie. J’ai contribué à plusieurs études au sein d’une équipe interdisciplinaire dirigée par des professeurs du département d’anthropologie à l’Université Fédérale de Santa Catarina. Par la suite, j’ai poursuivi avec une maîtrise en anthropologie sociale. Mon cheminement m’a ensuite amené au Québec, où j’ai entrepris un doctorat au département d’anthropologie de l’Université de Montréal, suivi d’un stage post-doctoral à l’Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux et à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke.

Je me spécialise dans les domaines de l’anthropologie de la santé, de l’anthropologie de la reproduction, de la périnatalité et de l’immigration.

Mes recherches se déroulent dans des contextes sociaux caractérisés par la défavorisation socio-économique et par l’exclusion sociale. J’ai toujours orienté mes travaux vers une meilleure compréhension des réalités et des expériences des personnes confrontées à des inégalités sociales et à la stigmatisation. Je me suis intéressée d’abord aux personnes consommatrices de substances psychoactives (au Brésil), puis aux femmes immigrantes et minorisées (à Montréal). J’ai également conduit des recherches sur les pratiques d’intervention en collaboration avec des professionnels travaillant auprès de ces populations.

  1. Pourriez-vous partager avec nous quelques exemples de projets de recherche antérieurs que vous avez menés et discuter de leurs impacts, en particulier en ce qui concerne les inégalités sociales d’accès aux services de santé ?  

Ma thèse de doctorat s’est concentrée sur les intersections entre les expériences périnatales et les parcours migratoires des femmes immigrantes issues du Sud global. L’objectif était de mieux comprendre leurs réalités, déconstruire les idées préconçues sur les femmes immigrantes et leurs familles. Elle a notamment mis en lumière plusieurs rapports de pouvoir auxquelles ces femmes sont confrontées lors de leur parcours migratoire, tels que ceux imposés par les politiques migratoires et les discriminations systémiques entravant leur accès à des emplois spécialisés. Ces rapports de pouvoir façonnaient leurs trajectoires reproductives, affectant, par exemple, la construction ou la déconstruction du désir d’enfant et la réévaluation des projets familiaux.

Dans ma recherche postdoctorale, j’ai analysé les récits des infirmières œuvrant dans les milieux hospitaliers montréalais à propos de leurs rapports aux savoirs d’expérience d’accouchement des femmes récemment immigrées et appartenant aux groupes minorisés. Avec ces infirmières, dans une démarche de réflexion collective, nous avons identifié plusieurs obstacles auxquels plusieurs femmes sont confrontées dans la prise en compte de leurs paroles et leurs savoirs propres dans les cadres hospitaliers : par exemple, les conditions de travail des équipes soignantes, les conflits interprofessionnels et la circulation de stéréotypes.

  1. Votre domaine d’intérêt inclut les inégalités sociales d’accès aux services de santé. Existe-t-il des populations spécifiques avec lesquelles vous aimeriez travailler de manière plus approfondie ?

Les femmes, notamment immigrantes, et leurs familles se situent au cœur de ma programmation de recherche.

  1. Actuellement, vous travaillez sur le développement d’un programme de recherche en recherche sociale centré sur les besoins de l’établissement. Pourriez-vous nous donner un aperçu de vos principaux intérêts de recherche dans ce contexte ?

Ma programmation de recherche porte sur la période périnatale et les expériences associées vécues par les femmes et les familles issues de l’immigration. Je m’intéresse plus particulièrement aux trajectoires périnatales, à l’utilisation des services sociaux et de santé, aux expériences vécues au sein de ces services et aux savoirs générés par ces expériences. Je m’intéresse aussi aux pratiques professionnelles auprès de ces populations, notamment les soins différenciés pour ces populations. 

  1. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans la recherche pour répondre aux besoins particuliers de la région desservie par le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal ?

Le territoire desservi par le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal abrite une proportion importante de personnes issues de l’immigration et/ou confrontées à des situations d’exclusion sociale et matérielle, des populations au centre de ma programmation de recherche. Étant moi-même une personne issue de l’immigration, j’espère pouvoir contribuer à une meilleure compréhension des réalités vécues par ces populations tout en leur accordant une voix importante dans la réalisation des projets de recherches les concernant.

  1. En tant que chercheuse d’établissement en recherche sociale, vous serez amenée à collaborer étroitement avec des milieux de pratiques cliniques et communautaires. Pouvez-vous partager votre vision de ces collaborations et comment elles contribuent à atteindre les objectifs de vos recherches ?

La recherche sociale en milieu de pratique nécessite une vision de collaboration ancrée sur le partage de valeurs professionnelles communes et d’objectifs communs de transformation sociale. Dans ce sens, je crois à la construction de liens de collaborations solides et pérennes ancrés sur des postures professionnelles éthiques et ouvertes au vrai partage. Il est fondamental d’investir dans la construction d’espaces d’échanges où toutes personnes, issues de différents milieux, se sentent à l’aise d’exprimer ses points de vue, besoins et priorités, mais aussi ses craintes et inconforts vis-à-vis la construction de projets de recherche et leurs mis en œuvre.

Je prône une collaboration en recherche où la relation sociale entre les personnes participantes est aussi importante que les objectifs à atteindre, permettant à chacun de s’exprimer, se sentir accueilli, intégré et reconnu dans ses savoirs et contributions. La collaboration en recherche de personnes issues de différents milieux devrait s’avérer un processus enrichissant, stimulant et propice à l’épanouissement de tous les participants.

Notre chercheuse Lise Dassieu, Ph.D.

  1. Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours professionnel et vos domaines d’expertise en recherche sociale ?

Je détiens un doctorat en sociologie obtenu en 2015 à l’Université de Toulouse, en France. J’ai ensuite fait deux postdoctorats au Québec (Université de Sherbrooke et Centre de recherche du CHUM), puis j’ai occupé le poste de Chercheuse et analyste de politiques dans une organisation de santé pancanadienne, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.

Grâce à ces expériences dans des milieux de recherche diversifiés, j’ai développé une expertise interdisciplinaire en sciences sociales et santé communautaire, en tant que chercheuse principale de plusieurs projets qualitatifs et participatifs.

Mes intérêts en recherche se concentrent sur l’analyse des inégalités sociales en matière d’accès aux services de santé et d’expériences de soins. Je m’intéresse aussi aux enjeux liés à la stigmatisation dans les services de santé. Mon expertise s’est particulièrement développée auprès de deux populations : les personnes vivant avec une douleur chronique et les personnes consommatrices de substances.

  1. Pourriez-vous partager avec nous quelques exemples de projets de recherche antérieurs que vous avez menés et discuter de leurs impacts, en particulier en ce qui concerne les inégalités sociales d’accès aux services de santé ?  

Étude qualitative de l’expérience de la douleur chronique chez les personnes consommatrices de substances à Montréal : La douleur chronique est 2 à 3 fois plus fréquente chez les personnes consommatrices de substances illicites que dans la population générale. Mon projet a montré que leurs problèmes de santé physique peuvent être renforcés par leur marginalisation sociale. Pourtant, ces personnes connaissent de nombreuses barrières d’accès au traitement de leur douleur, telles que des refus de prescriptions d’analgésiques et des barrières financières pour les traitements non-pharmacologiques comme la physiothérapie. Les résultats de cette recherche ont d’importantes implications pour les pratiques cliniques et les politiques de santé. L’une des quatre publications a été citée par Santé Canada dans deux rapports du Canadian Pain Task Force établissant les futures priorités fédérales pour la prise en charge de la douleur chronique.

Impact de la crise des opioïdes chez les personnes vivant avec de la douleur chronique au Québec et en Colombie Britannique  : Ce projet a été développé en partenariat avec l’organisation Pain BC et le Centre de recherche du CHUM. Notre recherche a mis en lumière les conséquences négatives de la crise des opioïdes, de sa médiatisation, et des recommandations cliniques visant à réduire les prescriptions d’opioïdes. De nombreuses personnes vivant avec une douleur chronique ont connu des ruptures de leur traitement habituel, des discriminations dans certains milieux de soins, ainsi qu’un isolement accru dû à l’incompréhension de leur entourage quant à leur médication. Ce projet a démontré l’importance de favoriser une approche clinique centrée sur la personne et la décision partagée, afin de réduire les risques liés aux opioïdes tout en assurant la continuité de la prise en charge de la douleur. J’ai reçu le Prix Ronald Melzack – Article de l’année 2021 du Canadian Journal of Pain, pour l’une des publications issues de ce projet.

Impact de la pandémie de COVID-19 chez les personnes vivant avec de la douleur chronique – Étude mixte pancanadienne : Ce projet visait à comprendre comment la pandémie de COVID-19 a affecté la santé physique, mentale, et les conditions de vie sociale des personnes vivant avec de la douleur chronique au Canada. Les résultats qualitatifs mettent en évidence l’impact négatif des inégalités sociales sur la douleur physique et la santé mentale durant la pandémie, mais aussi, paradoxalement, les impacts positifs des périodes de confinement sur la qualité de vie des personnes en douleur chronique. Une recommandation majeure issue de cette recherche est de prioriser le développement de politiques sociales favorisant l’inclusion des personnes atteintes de douleur chronique dans la société canadienne postpandémique.

Recherche participative sur les inégalités d’accès aux soins virtuels en dépendance : J’ai récemment dirigé une recherche participative sur les expériences de soins virtuels des personnes consommatrices de substances vivant des inégalités sociales. Pour ce projet, des personnes ayant un vécu expérientiel de l’utilisation de substances ont participé à toutes les étapes de la recherche, depuis le développement du devis et de la méthodologie, jusqu’à la collecte, l’analyse des données, et les publications. Ce projet est novateur car il a donné lieu à un ensemble de recommandations politiques et cliniques en soins virtuels émanant directement des personnes consommatrices de substances vivant des inégalités sociales.

  1. Votre domaine d’intérêt inclut les inégalités sociales d’accès aux services de santé. Existe-t-il des populations spécifiques avec lesquelles vous aimeriez travailler de manière plus approfondie ?

Tout en poursuivant mon travail auprès des deux populations que je connais bien, les personnes vivant avec de la douleur chronique et les personnes consommatrices de substances, j’ai l’intention d’élargir mon approche pour m’assurer que mes projets soient utiles aux communautés desservies par le CIUSSS NIM. Les personnes immigrantes et/ou issues de minorités ethniques sont des populations avec qui j’aimerais créer de nouveaux projets visant à améliorer leurs expériences de santé. Je voudrais aussi mener des projets auprès de professionnels de santé afin de mieux comprendre les défis qu’ils rencontrent pour offrir des services aux personnes vivant des inégalités sociales. Je souhaite que mes recherches servent à soutenir les pratiques cliniques pour répondre aux enjeux d’équité en santé.

  1. Actuellement, vous travaillez sur le développement d’un programme de recherche en recherche sociale centré sur les besoins de l’établissement. Pourriez-vous nous donner un aperçu de vos principaux intérêts de recherche dans ce contexte ?

Dans une approche intersectionnelle des inégalités sociales de santé, mon programme de recherche au CIUSSS NIM s’inscrit à la confluence des thématiques de la défavorisation socio-économique, de l’immigration, du genre, et des problématiques de santé que sont la douleur chronique et la consommation de substances. Décliné à travers plusieurs projets, l’objectif de mon programme de recherche est de comprendre comment l’ensemble de ces déterminants impactent l’accès aux services et les expériences de soins, du point de vue des personnes concernées et du personnel soignant. En termes de retombées, mes projets doivent contribuer à l’équité en santé par le développement de ressources et services alignés avec les réalités des personnes et communautés vivant des inégalités multiples.

Les méthodologies qualitatives et participatives sont centrales à mon programme de recherche. Ma priorité est de co-construire mes recherches avec des partenaires cliniques, des organismes communautaires, et des membres des populations affectées par les inégalités sociales de santé. Je m’appuierai sur mon expérience en recherche participative afin de codévelopper des projets répondant à leurs besoins et questionnements. J’ai également un intérêt pour la recherche interventionnelle et la création de nouvelles initiatives pour réduire les inégalités sociales.

  1. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans la recherche pour répondre aux besoins particuliers de la région desservie par le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal ?

La région desservie par le CIUSSS NIM est traversée par des disparités et inégalités sociales qui ne sont pas sans conséquences sur la santé et les trajectoires de soins. Ce territoire est aussi un modèle d’engagement communautaire et clinique, avec une forte implication des milieux de pratique pour offrir un cadre de vie inclusif. En tant que chercheuse au CIUSSS NIM, je souhaite apporter ma contribution à l’amélioration de l’équité en santé sur ces territoires en mettant mon expertise au service des communautés socialement défavorisées.

  1. En tant que chercheuse d’établissement en recherche sociale, vous serez amenée à collaborer étroitement avec des milieux de pratiques cliniques et communautaires. Pouvez-vous partager votre vision de ces collaborations et comment elles contribuent à atteindre les objectifs de vos recherches ?

La collaboration fait partie intégrante de ma vision de la recherche et des objectifs de mes projets. Créer des conditions propices au partenariat avec les membres des milieux de pratique et les personnes utilisant les services est une excellente manière de s’assurer que la recherche aura un impact et une utilité sociale. J’aimerais, notamment, favoriser la participation des personnes affectées par les inégalités sociales, en leur donnant l’occasion de contribuer en tant que partenaires de mes recherches. Je souhaite également développer des relations de confiance avec les milieux de pratique clinques et communautaires, dans le but de valoriser les expertises expérientielles et de terrain dans la co-construction de projets.