Une série télé pour démythifier la sortie d’un coma profond
Entrevue avec Caroline Arbour (extrait de l’article)
Comment récupère-t-on d’un coma qui a duré plusieurs semaines?
D’abord, il est important de bien comprendre que c’est la cause du coma qui a une influence sur l’état du patient à son réveil et non pas le coma en soi. Il faut voir le coma comme le symptôme ou la conséquence ultime d’une blessure cérébrale grave. Et les causes sont variées: traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral, anoxie cérébrale, intoxication médicamenteuse, etc.
À l’heure actuelle, nous parvenons à désigner assez justement les personnes qui vont décéder à la suite de ce type de blessures. Toutefois, prédire comment les survivants vont s’en sortir est un exercice beaucoup plus complexe. Et le cerveau est étonnamment surprenant.
À titre d’exemple, deux patients avec la même gravité de trauma ne se réveilleront pas de la même manière; l’un aura des problèmes importants de langage et de mémoire, une incapacité à reprendre le travail, des handicaps physiques et l’autre retournera à un fonctionnement quotidien normal. Est-ce en raison de la réserve cognitive du patient, d’une hospitalisation dans un milieu de soins avec une masse critique d’experts ou d’une plus grande stimulation neurosensorielle pendant l’éveil? Je dois avouer qu’on ne connaît pas encore bien ce que réserve le cerveau.
Est-ce vrai qu’un environnement particulier peut stimuler le réveil?
Il y a en effet des patients qui se réveillent d’un coma en disant avoir entendu certaines choses pendant leur «absence» et quelques-uns sont capables de les rapporter de façon assez cohérente et claire. Cela laisse donc présager qu’ils pourraient avoir eu des instants de lucidité, mais nous l’expliquons mal sur le plan scientifique.
Nous savons toutefois que, sur le plan de la douleur, des connexions restent présentes. Donc, nous faisons attention de bien soulager la douleur, même si nous ne savons pas avec certitude si les patients la ressentent de manière consciente. Malgré tout, un grand pourcentage de ces patients souffrent de douleurs chroniques à la suite de l’hospitalisation. Un peu comme si le corps avait une mémoire de la douleur, alors que les patients eux-mêmes ne s’en souviennent pas.
Il existe aussi des stratégies pour favoriser le contact entre la personne dans le coma et son environnement autour d’elle. Ainsi, on demande aux familles de parler à leurs proches, de les toucher. Les études montrent que, si l’on veut attirer l’attention ou solliciter l’éveil chez quelqu’un dans un état de conscience altéré, il n’y a rien de mieux qu’un stimulus autoréférencé, c’est-à-dire un stimulus qui va chercher les émotions, l’essence de la personne: une voix familière, une musique significative, des photos des proches ou des animaux de compagnie, bref des éléments qui vont la reconnecter à ce qu’elle était avant comme individu.
Comment la sortie d’un coma agit-elle sur la dynamique familiale?
Un coma dans une famille, ça brasse pas mal d’affaires. Même si le patient n’a été «absent» que pendant quelques semaines, la famille a eu le temps d’être passablement éprouvée, même de se désorganiser. Au réveil, il est difficile pour les patients de bien saisir l’étendue de ce qu’il leur est arrivé et des répercussions que cela a eues sur leur entourage. C’est notre rôle de les accompagner dans ce processus délicat de compréhension.
Le soutien psychosocial est très important pour le processus de réadaptation, puisque le patient peut vivre un choc ou être dans le déni en réalisant qu’il a été «absent» ou gravement malade. C’est très difficile pour les familles, même pour celles tissées serrées et résilientes. Il y a autant de façons d’émerger d’un coma qu’il y a de familles. Alternant entre drame et comédie, la série Audrey est revenue dépeint le cheminement d’une famille de manière très touchante.